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de voyage.

M., mais la mer est un admirable remède contre les maladies du cœur. Chaque flot que l’on laisse en garde une parcelle ; c’est plus ou moins long, mais on finit par guérir…

J’ai trouvé aussi d’autre notes dans une autre partie de son calepin, qui ont trait à la Californie et rappellent d’anciennes connaissances. Elles se rapportent au mois de juillet 1852, lorsque Grasset était à Batavia :

« Hier, écrivait-il alors, est arrivé en rade le Commerce de Bordeaux, venant de Californie. J’ai revu P. que j’avais connu à San-Francisco. — Ce pauvre jeune homme est une triste victime de l’incendie du mois de juin de l’année passée. Surpris dans son magasin, dont il cherchait à sauver les marchandises, il fut tout-à-coup enveloppé par les flammes qu’il lui fallut franchir pour trouver une issue. Un comptoir en feu, qui lui barrait le passage, retarda sa fuite et ce ne fut qu’à grand peine qu’il put se tirer de cette fournaise horriblement brûlé. — Après neuf mois de souffrances, il a quitté la Californie dans un état des plus pitoyables. C’était auparavant un assez joli garçon ; aujourd’hui il est tout défiguré, la moitié de son visage n’offre plus qu’une hideuse cicatrice violette et toute couturée. C’est affreux. Il a en outre les mains racornies, les doigts repliés et comme crochus. Le pauvre diable restera probablement estropié toute sa vie. — Après m’avoir raconté son malheur, il m’a renseigné sur le sort des autres.