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de voyage.

la portée de l’abus que ces réformateurs exigeants ne craignent pas de faire de leur ministère :

« Il existe, dit-il, dans l’île une fort belle route dont voici l’histoire : Les missionnaires protestants, établis dans le pays avant notre occupation, voyant, à leur début, le peu de succès de leurs prêches, auxquels le peuple assistait bien, mais s’endormait souvent, résolurent de déraciner le vice prédominant des insulaires, d’une manière qui ne fut pas du moins sans fruits pour le pays. Ils établirent une loi par laquelle toute Tahitienne, surprise en flagrant délit, était condamnée à tant de mètres de route. Mais ils n’obtinrent avec cette loi qu’un résultat matériel ; le but moral fut manqué. Le fruit défendu n’est que plus savoureux, les obstacles irritent l’amour, et puis les jeunes et jolies filles ne manquaient pas de bras complaisants pour remplir leur tache. En un mot, le péché tint bon, mais la route fut achevée. — Étrange évangélisation ! »

Quand on réfléchit à l’état primitif de ce peuple confiant, livré à lui-même, se laissant aller innocemment à ses désirs naturels, à toutes les impressions du moment, on se demande ce qu’il a gagné depuis cette prétendue civilisation qu’on a voulu lui imposer. — Ce sont sans doute ces considérations qui ont inspiré à notre jeune philosophe cette tirade que nous rencontrons