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charge. À la mer tout y contribue, le caractère s’aigrit ; on y est quelques fois tellement nerveux, que cet état suit les phases de la température. Pour un oui, pour un non, ce sont des discussions sans fin qui dégénèrent en disputes ; chacun s’y laisse entraîner. — Pour moi, la solitude est aussi bien dans l’absence de tout être que dans ce milieu d’individus qui ne se renouvelle pas. Il faut un entourage sympathique et intelligent pour que l’esprit s’y développe. On a bientôt, dans un milieu étroit, parcouru le cercle des connaissances que chacun possède. Comme la plante isolée, on a bientôt pompé tous les sucs nourriciers, et, quand ils sont épuisés, l’esprit s’étiole aussi et dépérit. La vie est l’échange social avec ses semblables ; rien ne prospère dans le vide. »

Du 31 décembre 1851 au 1er  janvier 1852.
En mer.

« Un pas dans le passé, un pas dans l’avenir ! Le présent est insaisissable… cette heure est solennelle, mais pleine de tristesse. Dans un an que de changements ont lieu ; les uns naissent, les autres meurent, aucun n’échappe à la loi immuable du destin ; ceux qui naissent sont bientôt confondus dans la foule ; il ne reste à ceux qui meurent que les mystères de la tombe, puis l’oubli ! »

  Il est minuit : l’heure qui tombe
  Tresse un berceau, creuse une tombe !
  C’est l’heure où le serpent se mord.
  C’est l’A B C de notre vie ;
  Toute heure d’une autre est suivie ;
  Alpha supplante Omega mort.