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À KOLOMEA.

à la coiffure aussi correcte que celle d’un officier de hussards.

Je crois que je ne serais jamais venu à bout de mes investigations si la belle et avisée madame Majewska ne m’était un jour venue en aide.

Ce qui surtout avait contribué à faire à Adam Kosabrodzki la réputation d’un sage, c’était une particularité qu’il ne devait peut-être qu’à sa timidité et à son innocence. Il fuyait les femmes. Aussi le prenait-on volontiers pour un disciple du Schopenhauer polonais. Rien n’était moins vrai. Kosabrodzki ne connaissait pas plus ce philosophe qu’aucun autre, à partir de Kung-fu-tsé jusqu’à Hegel. Il n’aimait que la poésie. Il n’était pas du tout de l’avis du célèbre penseur qui a qualifié les femmes d’êtres inférieurs, de créatures frivoles, indignes de l’étude d’un homme de génie. Kosabrodzki, lui, jugeait les femmes très prudentes, énigmatiques et fort dangereuses. Il ne les méprisait pas ; il se contentait de les redouter et de les fuir comme la peste. Elles, de leur côté, lui rendaient cette tâche facile. Chaque femme redoutait d’être soumise par Kosabrodzki à une analyse philosophique. Les dames âgées seules recherchaient sa société et se donnaient mille peines pour le faire revenir de ses bizarres opinions.

Une seule femme pouvait se vanter d’exercer sur lui une certaine influence, madame Majewska. C’était une jeune veuve, belle, riche, aux yeux sombres et langoureux, à la luxuriante et noire chevelure. Elle avait beaucoup d’adorateurs. Elle régnait en despote sur toute la jeunesse de la contrée et paraissait attacher un grand prix à la conquête de mon innocent philosophe. Elle coquetait avec lui d’une façon tout à fait neuve. Elle le traitait en camarade intime, bien qu’aucune confidence n’eût jamais