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MAGASSE LE WATACHEKO.

réfléchir, sans prononcer une parole, ils firent volte-face et redescendirent à toutes jambes dans la vallée, poursuivis par les cris railleurs d’un millier de petites chouettes…

Abattus, fatigués, couverts de sueur, ils regagnèrent au matin la kartschna[1] de Jamna, où s’étaient donné rendez-vous la veille les domestiques et les paysans. Les autres héros du village, qui maintenant venaient de s’y rassembler, attendaient des nouvelles de l’expédition.

M. Adam les toisa d’un regard sévère :

« Par votre faute, tout a échoué, dit-il. Je ne ferai pas d’enquête. Il vaut mieux garder le silence là-dessus.

— Il nous est arrivé comme aux loups de la fable, reprit le Cosaque en riant, après avoir avalé un grand verre d’eau-de-vie.

— Quoi donc ? demanda le père Antoni.

— Je veux parler d’un vieux conte houzoule, Votre Honneur.

» Une fois, les animaux domestiques se lassèrent de leur position et de la domination de l’homme. Ils émigrèrent tous une nuit : la vache, le cheval, le coq, le canard, le chat et l’oie ; le chien seul refusa de s’expatrier. Ils marchèrent jusqu’au soir du jour suivant, où, brisés de fatigue, ils entrèrent dans une forêt et se réfugièrent dans une chaumière abandonnée. Le chat s’étendit sur le foyer, près de la cendre encore tiède ; le cheval et la vache se couchèrent sur le foin ; le canard se blottit sous un banc, et l’oie sous une table ; la poule se hucha sur une perche à sécher du linge, et le coq sur le faîte de la hutte. Dans la nuit, les loups arrivèrent et se consultèrent pour savoir si la cabane était habitée.

  1. Auberge.