le visage baigné d’une douce joie. Il rassembla autour de lui sa famille et lui dit d’un ton solennel :
« Femme, enfants, venez tous vers moi. Je l’ai maintenant le nom que nous allons porter. L’or et les pierres fines appartiennent aux riches ; mais le soleil, que Dieu fait luire pour tout le monde, appartient aussi aux pauvres. Je m’appellerai… Sonnenglanz[1] ! Est-ce trouvé, ça, hein ? »
Tous s’exclamèrent. Pas une objection ne s’éleva. Absalom se vêtit précipitamment et se rendit, quelques minutes plus tard, à la maison de ville, juste deux heures avant que la porte en fût ouverte. Il se sentait heureux. Il entra le cœur léger dans la chancellerie ; lorsque enfin il y fut introduit, il se présenta sur la pointe des pieds et avec force courbettes devant le chancelier Krummholz, qu’il tira doucement par sa manche de coutil vert, criblée d’éclaboussures d’encre.
« Que veux-tu ? lui cria le chancelier.
— Qu’ai-je à exiger ? dit Absalom. Je ne suis venu que parce que Sa Majesté l’empereur a ordonné aux misérables juifs de porter de beaux noms comme les chrétiens.
— Ah ! c’est juste. Ainsi, comment veux-tu t’appeler ?
— Si vous n’y faites pas d’objection, monsieur le chancelier, j’aimerais à m’appeler Sonnenglanz.
— Comment ?… quoi ? — s’écrièrent les fonctionnaires d’une seule voix.
— Sonnenglanz ! répéta le chancelier ; crois-tu qu’on peut s’appeler comme ça Sonnenglanz quand on ne possède rien ? Es-tu assez riche pour t’accorder un luxe pareil ? Un tel nom coûte cent florins. As-tu peut-être sur toi les cent florins ? »
Les employés éclatèrent de rire. Absalom s’enfuit
- ↑ Clarté de soleil.