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Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/258

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À KOLOMEA.

Elle garde son sang-froid. Elle fouette ses chevaux, et le traîneau vole avec la rapidité d’une flèche.

Pas longtemps cependant. Épuisés par l’immense trajet qu’ils viennent de faire, les chevaux refusent d’aller aussi vite. La frayeur les paralyse. Les loups, qui se sont élancés sur leurs traces, s’animent par des cris de rage. Ils approchent… ils approchent.

Déjà Aldona les aperçoit. Sa vue se trouble. Une foule de souvenirs l’assaillent. Par bonheur, ce qu’elle a entendu raconter des voyageurs qui se sont trouvés dans cette terrible position revient à sa mémoire.

Elle prend les coussins sur lesquels elle était assise, et les lance sur la route. Elle jette aussi les fourrures qui l’enveloppent, et fouette ses chevaux avec une nouvelle ardeur.

À chaque reprise les loups font halte. Ils se ruent sur les objets qu’ils voient dans la neige, ils les flairent et les mettent en pièces. Aldona gagne du terrain.

Elle chasse ses chevaux sous une grêle de coups, elle les encourage de la voix. Un instant, les bêtes féroces étaient complètement hors de vue. À présent, les voilà qui s’avancent plus menaçantes que jamais. Elles poussent des hurlements rauques. Aldona aperçoit leurs yeux brillants comme de la braise ; elle distingue même leurs corps gris et velus.

Sans réflexions oiseuses, elle arrache la précieuse pelisse, et l’abandonne à ses cruels adversaires.

Une fois encore ils s’arrêtèrent. Une fois encore Aldona réussit à précipiter l’allure de ses chevaux. Elle se tenait debout maintenant, le fouet dans une main, les rênes dans l’autre.

Elle était pâle, mais résolue.