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UN JOUR ET UNE NUIT DANS LA STEPPE.

Nous entrâmes dans la maison pour y prendre quelque repos. La jeune femme se mit à préparer le repas. Après nous être restaurés, nous nous couchâmes sur un banc de bois qui courait le long de la muraille. Le sommeil nous surprit. Bientôt, cependant, le galop d’un cheval nous réveilla.

Un beau gars hardiment découplé, avec un visage propre à nous inspirer la plus entière confiance, pénétra dans la hutte. C’était un berger. Ses deux grands yeux bleus s’arrêtèrent sur nous avec surprise.

« Ah ! c’est toi, Akensy, s’écria mon paysan.

— Oui, c’est moi. Vous venez de la chasse ? Il se découvrit, et jeta la pelisse d’agneau qui ceignait ses reins, sur un banc, à côté du poêle.

— Nous avons chassé, répéta mon paysan. Mais toi, qui donc t’amène dans ces parages ?

— Je ne suis pas seul, dit Akensy humblement ; il va faire un orage terrible. Nous paissions nos chevaux dans le voisinage. Nous sommes tous venus ici chercher un abri. »

D’autres bergers entrèrent. Éva, qui était sortie, revint. Elle vaquait à son ouvrage sans prendre garde à Akensy Les deux jeunes gens n’échangeaient pas un regard. On sentait bien pourtant qu’un lien les rattachait l’un à l’autre.

« Est-ce son amant ? demandai-je à voix basse à mon compagnon.

— Qui cela ?

— Parbleu, Akensy !

— C’est possible, » répondit-il avec un soupir.

Au dehors, les nuages s’amoncelaient. Il faisait très sombre. Il régnait un calme inusité, un silence effrayant. L’air lourd vous pesait sur la poitrine comme une pierre