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L’ENNEMI DES FEMMES

Cette prudence de son fiancé, ce calcul positif et raisonnable lui donna une sorte de désenchantement, qu’elle n’osait pourtant avouer ; car elle était elle-même trop sensée par moments pour ne pas comprendre qu’il agissait dans l’intérêt de son avenir et de son ménage futur.

Mais il y a des heures d’épanouissement dans les âmes féminines, dans les âmes aimantes, dans toutes les âmes, peut-être, où le bon sens paraît une misère mesquine de la vie, et presque une profanation.

Petrowna fut triste de cette explication, n’osa pas donner le motif de sa tristesse, la cacha, la garda, et l’augmenta.

À quoi tiennent les nuages entre amoureux ! Celui-là paraissait bien léger ; il pouvait pourtant contenir des ouragans et la foudre. Tout dépendait de l’électricité que des influences extérieures ajouteraient à son électricité latente.

D’autres soucis pénétraient dans le Palais de bois avec les brises de l’hiver.

Un jour, M. Pirowski reçut une lettre anonyme qui calomniait l’assiduité du major et qui racontait, sans doute avec beaucoup d’exagération, le culte professé vingt ans auparavant par un des plus beaux hommes de l’armée pour une des plus belles femmes du pays.

M. Pirowski avait précisément besoin d’allumer sa pipe au moment où il reçut cette lettre. Il s’en servit, à cet effet, et n’y pensa plus de la journée.