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L’ENNEMI DES FEMMES

— Il a l’air d’un malfaiteur qui sort de prison, ou d’un malade qui sort de la mort. Il a maigri et pâli.

— Il a donc bien souffert ?

— C’est ce qu’a dit Yvan, son vieux cosaque, que j’ai rencontré au marché. M. Diogène a eu la fièvre à Odessa. Il s’est arrêté là.

Nadège ne poussa pas plus loin la question. Elle se réservait de s’informer discrètement tous les jours de la santé de Diogène, quand, le lendemain de cet entretien avec le père Gaskine, elle apprit que Diogène pouvait fournir lui-même au premier venu la preuve de son désir de vivre, de reprendre ses forces, toutes ses allures d’autrefois.

Il sortait beaucoup, allait au café et paraissait un habitué du théâtre monté dans la cour de l’hôtel de l’Aigle.

Le bruit même se répandit qu’il était amoureux de la première actrice, une espèce de tzigane arrivée dans la ville en même temps que lui.

La coïncidence de ces deux arrivées était sans doute la seule raison de cette rumeur. L’ennemi des femmes se compromettant avec une créature de cette espèce, quelle invraisemblance ! à moins que Diogène n’eût voulu attester plus solennellement son mépris pour toutes les femmes, en feignant d’aimer la moins respectable de toutes.

Nadège reçut l’écho de ces rumeurs. Elle alla un soir au théâtre, dans un coin obscur, bien enveloppée, pour ne pas être reconnue.