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L’ENNEMI DES FEMMES

prendre place devant un petit bûcher dressé au milieu de la place et gardé par deux hallebardiers dont Albert Durer semblait avoir dessiné les costumes.

Les dames et les jeunes filles descendirent de leurs chars. Les hommes attelés se dételèrent ; on mit sur le bûcher les in-folios, les cartons du greffe, et Melbachowski qui faisait partie de l’attelage du premier char, ordonna qu’on formât le cercle autour du bûcher, ôta ses oreilles d’âne qu’il jeta par-dessus les papiers amoncelés, et mit avec une gravité, comique dans sa solennité, le feu au bûcher.

La musique exécuta quelques mesures d’un requiem, puis éclata bientôt en fanfares joyeuses. Quand la flamme s’éleva en volutes rouges et jaunes, faisant voleter des fragments de ces archives, Melbachowski réclama le silence, et, s’approchant du balcon du Palais de bois, pour être bien entendu et pour associer du geste et de la voix Diogène à la manifestation, il dit d’une voix haute :

— Ainsi périssent tous les profanateurs de la loi naturelle ! Vous voyez, mesdames et messieurs, s’en aller en fumée et se réduire en cendres les monuments de la vanité, de la folie masculine. Les misogynes sont vaincus par la puissance de la beauté, par la force de l’esprit, par la douceur de la femme.

On applaudit ; et, comme tous les regards se tournaient vers le balcon en invitant en quelque sorte Diogène à s’associer par un mot à cette sen-