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L’ENNEMI DES FEMMES

petite fille insolente lui semblait une ennemie dangereuse. Mais comment la désarmer ?

Après une longue méditation, le philosophe se rendit un jour au café de la place, au moment où il savait devoir y trouver les officiers de hussards.

En entrant, il sourit, car précisément l’homme dont il avait besoin était là.

C’était le major Casimir, un bel homme, le plus bel homme du régiment, disait-on ; toujours amoureux, toujours prêt à le devenir, irrésistible par la toute-puissance de sa tenue, de son port, de ses moustaches, de son visage, de son regard, de son silence, de son bel uniforme.

Ce jour-là, son grand manteau blanc, jeté négligemment sur les épaules, se promenant dans le café, en mâchonnant un cigare d’un air maussade, le major paraissait attendre une mauvaise nouvelle.

— Très bien ! pensa Diogène en l’apercevant ; il doit être à sec ; il aura reçu ce matin la visite d’un créancier ; c’est comme cela qu’il me le faut.

Il aborda le don Juan de la garnison, et, à force de compliments sur sa bonne mine, finit par rasséréner un peu le visage du vainqueur déconfit.

Au bout d’un quart d’heure, le major, caressant sa barbiche noire, longue et soyeuse, dit d’un ton léger.

— Cher ami, connaîtriez-vous, par hasard, un prêteur, un petit banquier, n’importe qui, qui pourrait me procurer un peu d’argent ?

— Ah ! ah ! vous êtes décavé ?

— Que voulez-vous, les bouquets coûtent si cher !