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LA FEMME SÉPARÉE

fit grand mal. Ajoutons que je le voyais et lui parlais longuement chaque soir.

Tout le reste du jour, je le passais à me demander ce que je pourrais bien faire pour lui plaire. C’est-à-dire, non, lui plaire n’est pas le mot, je voulais le rendre fou, déchiqueter son cœur avec des tenailles rougies. Dans ce but, je renonçai à mes toilettes extravagantes ; j’allai jusqu’à m’acheter une simple robe de laine. Lorsque je la revêtis pour la première fois, sans ornements, un velours noir noué autour de mon cou nu, mes cheveux courts, en boucles luisantes, et que j’allai ainsi à sa rencontre, je l’embarrassai plus que jamais. Il s’assit loin de moi, sur le bord d’une chaise.

— Venez près de moi, dis-je d’une voix douce, ou plutôt, non, je vais aller m’asseoir vers vous. Il faut que je vous fasse un aveu aujourd’hui. J’ai tant de confiance en vous !… Mais vous serez indulgent, mon ami, n’est-ce pas ?

— Vous voulez me dire que vous avez refusé mon amour, repartit Julian, parce que…

— Votre amour ? dis-je d’un air candide. Vous avez dit… pourtant…

— Je vous aimais alors, répondit-il avec une sûreté extraordinaire. Maintenant que je suis maître de ce sentiment, j’ose vous avouer qu’il a existé. Vous