une grossièreté toute soldatesque. Il ignorait avec qui il avait à faire. Quand il sut qu’il aurait en face de lui un gentilhomme, il changea de ton. Il se montra si humble, que tout parut un instant s’arranger. Le duel eut lieu cependant. Le combat devait cesser au premier sang. Julian coupa à son adversaire les artères de la main droite. Naturellement, on prétendit que Julian ne s’était battu que pour moi. Ce bruit parvint aux oreilles de mon mari. Moscheles, qui avait vu sa proie lui échapper au moment où il croyait bien la tenir, vint lui rendre visite et l’avertit de tout ce qui se disait dans la ville, ce qui était plus que superflu, car Julian me rendait ses hommages très ouvertement, et ne se donnait aucun souci de cacher son amour aux yeux de mon mari. Il lui eût été absolument impossible de le nier. Nature étrange ! cet homme pouvait tout dire ; sa manière d’exprimer les choses était si naïve, si franche, si sérieuse ! Vraiment, c’était un caractère antique.
Tous devinèrent son amour, à commencer par mon mari. Un matin, il entra chez moi, très abattu, et s’approcha de mon lit.
— Julian t’aime, dit-il d’une voix brisée, et toi, tu l’aimes aussi. Aie la complaisance de lui interdire notre maison ou de me quitter aujourd’hui même. Je sors ; je vais me promener avec les enfants. Décide-toi, d’ici à mon retour.