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Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/226

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LA FEMME SÉPARÉE

posé mon portrait loua fort mon premier essai, et qu’un grand marchand m’en offrit un excellent prix. Je me mis alors assidûment à faire le portrait. Julian et Turkul posèrent à peu près en même temps. Mille difficultés se présentèrent l’une après l’autre. Je doutai de mon talent, j’eus des moments de véritable désespoir. Un jour que Turkul prit les deux ébauches, les mit l’une à côté de l’autre, et se permit quelques innocentes plaisanteries, je fendis la toile à coups de canif, je jetai palette et pinceau dans un coin, et rien ne me décida à toucher un crayon du bout du doigt.

Je commençai à coudre et à broder pour de l’argent. Mais la rémunération était si faible que j’y renonçai.

Turkul me conseilla d’entrer au théâtre et m’aida en cachette à étudier plusieurs rôles. Je suppliai aussi Julian, en pleurant, de congédier son secrétaire et de me charger de la copie de ses manuscrits ; si je ne parvenais pas à gagner de l’argent, je tenais du moins à en économiser autant que possible. Et vraiment, à partir de ce jour, j’écrivis du matin au soir, et je fis beaucoup de besogne. N’allez pas croire, cependant, que j’apportai plus de constance à cette entreprise qu’à toute autre.

Oui, lorsque j’étais très jeune, j’étais ambitieuse. Je voulais me créer une position dans le monde, je