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LA FEMME SÉPARÉE

velours l’enveloppe des pieds à la tête et lui prête une grande majesté. Elle porte une longue traîne. Sa petite main est serrée dans un long gant noir. Un capuchon recouvre ses cheveux, une épaisse dentelle cache le bas de son visage.

» Je ne distingue que ses yeux, deux grands yeux sombres dont les regards brûlent. Je prends son mouchoir, qu’elle m’abandonne. Il porte à l’un des angles une couronne de comte.

» — Eh bien, me connais-tu ? demande-t-elle d’un ton moqueur.

» — Non.

» Nous suivîmes le courant de la foule. Sa petite main tremblait dans la mienne. Elle entama une conversation animée et spirituelle.

» Elle parlait sans affectation, ne se donnant pas la peine de déguiser sa voix, sûre qu’elle était, probablement, que je ne la connaissais pas. Elle avait, en prononçant l’allemand, quelque chose de guttural, ce qui me fit penser qu’elle était Hongroise, Polonaise, ou Russe. Ses manières, du reste, étaient franches et décidées comme celles des femmes de ces pays. Sa voix résonnait à mon oreille comme la voix des roussalka[1], de ces ondines petites-russiennes qui

  1. Lorely de la Petite-Russie.