Page:Sacher-Masoch - La Femme séparée, 1881.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
LA FEMME SÉPARÉE

valiers errants, et un plat à barbe pour le casque de Mambrin ; d’un autre côté, il attaque d’innocentes brebis, des moulins à vent, il assomme de paisibles âniers, il casse la jambe d’un pauvre prêtre, blesse un paysan qui est en train d’administrer une correction à son vaurien de valet, et délivre des brigands, vrai gibier de galères.

De même que l’idéaliste ne recueille aucun remerciment, mais en est constamment pour ses frais, de même le noble chevalier de la Manche est trompé, raillé, battu et volé partout où il se montre, et risque finalement, en retour de ses grandes actions, d’être appréhendé au corps par la police et enfermé comme le plus vulgaire des vagabonds.

Mais l’idéaliste ne recherche aucun avantage. Il ne recherche non plus aucune jouissance, et ainsi les expériences les plus cruelles, les aventures les plus décevantes ne sont pas capables de le décourager ou de le tromper, de lui ravir son bonheur ou de le garer de nouvelles illusions.

— Et Sancho Pança ? demandai-je.

— C’est l’antithèse, c’est la nature humaine dans toute sa vulgarité, c’est le bon sens. Au commandement de son maître, il le suit sans relâche, et, tandis que celui-ci ne recueille que des désillusions, il se fait la réputation d’un sage, d’un vrai Salomon, grâce aux conseils qu’il donne.