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Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/117

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LA PÊCHEUSE D’AMES.

mais vous pouvez compter sur moi ; quelles que soient les circonstances, je resterai courageuse et inébranlable. »

Ils se serrèrent les mains, puis elle disparut aussi rapidement qu’elle était venue ; et Zésim entra dans le salon, où il fut reçu par Mme Oginska.

« Vous étiez et vous êtes encore une fidèle amie de ma mère, dit-il tout d’abord, et vous m’avez donné bien des preuves de bonté ; cependant le courage me manque presque pour vous exposer ce que j’ai dans le cœur. »

Mme Oginska commença à devenir nerveuse.

« Parlez, M. Jadewski, s’il dépend de moi de… »

Ce qu’elle eût désiré par dessus tout, c’eût été de s’échapper immédiatement du salon.

« J’aime Anitta, et elle répond à mes sentiments.

— En vérité ? La chère enfant ! Mais vous ne pensez pas à prendre au sérieux ce petit… arrangement ?

— Si, madame, car je suis venu pour vous demander à vous et à monsieur votre mari la main de votre fille.

— Mais… mon cher Zésim (Mme Oginska commençait à rire nerveusement), on ne peut cependant pas marier ensemble deux enfants. Votre demande me fait plaisir, car elle me prouve que vous n’êtes pas un de ces jeunes viveurs qui ont des amourettes derrière le dos des parents, et que vous agissez en cela comme un homme honnête et loyal. Mais abandonnez cette idée. Qu’est-ce que ces beaux sentiments romantiques ? Nous avons tous passé par là… Un beau rêve, rien de plus. Pour le mariage, il faut toute autre chose. D’ailleurs, Anitta est déjà fiancée.

— Fiancée ? sans qu’elle le sache ?

— C’est-à-dire que c’est comme si elle l’était, reprit Mme Oginska quelque peu troublée ; le comte Soltyk nous l’a demandée et nous avons donné notre consentement. Anitta regimbera peut-être un peu d’abord, mais elle finira bien par dire oui. C’est un très brillant mariage.

— Et le cœur ? Et le bonheur de votre fille ?

— Elle sera heureuse.

— Non, elle ne le sera pas, reprit Zésim avec énergie ; mais pardonnez-moi, je n’ai pas besoin de m’animer, Anitta ne consentira jamais à cette alliance.

— Nous verrons, dit Mme Oginska froidement, mais dans aucun cas nous ne prêterons les mains à un mariage qui ne serait qu’une comédie avec un dénouement tragique ; et nous comptons bien — je parle à l’officier, à l’homme d’honneur —