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Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/118

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LA PÊCHEUSE D’AMES.

que vous cesserez de rechercher Anitta. Puis-je espérer qu’à l’avenir — il m’est bien pénible de vous dire cela — vous vous abstiendrez de venir chez nous ?

— À cet égard, vous n’avez qu’à commander, répondit Zésim en se levant, mais je ne renoncerai jamais à Anitta. »

Il s’inclina et sortit, nullement découragé, mais plein d’amertume.

Anitta l’attendait sur l’escalier.

« Vite ! dit-elle tout émue, on vous a repoussé ?

— Oui.

— Mes parents veulent me marier à Soltyk ?

— Oui, et l’on compte sur votre condescendance.

— Bien, on compte à tort, s’écria Anitta en relevant sa petite tête d’un air de défi ; on peut nous séparer pour le moment, mais jamais on ne pourra me forcer à appartenir à un autre. Ayez confiance en moi, Zésim, comme j’ai confiance en vous. Ne vous laissez troubler par rien ; on répandra toutes sortes de bruits, on tramera des intrigues, ne vous en occupez pas ; tant que vous croirez en moi, il n’y aura rien de perdu.

— Aurez-vous assez de force, Anitta ?… »

Elle sourit.

« On ne me connaît pas encore ; attendez seulement un peu… Je suis plus forte que vous ne le croyez tous.

— Mais je ne dois plus mettre les pieds dans votre maison.

Nous nous verrons et nous nous parlerons tout de même.

— Où ?

— Quant à cela, c’est mon affaire ; pour le moment restez calme ; je vous donnerai des nouvelles le plus tôt possible. »

Zésim la regarda longtemps en silence.

« Qu’avez-vous ? demanda-t-elle un peu surprise.

— Pourrez-vous résister à toutes les séductions du luxe et de la splendeur ?

— Quelle pauvre opinion vous avez de moi ! répondit Anitta, avec la sainte et candide conviction de l’enfant, qu’est-ce que le monde tout entier pour moi sans vous ? Non, Zésim, je ne me laisserai ni aveugler, ni séduire, simplement parce que je vous aime.

— Vous m’aimez donc réellement ? »

Pour réponse, Anitta se mit à rire, pas fort, tout bas et tout doucement ; mais ce rire, était comme une charmante promesse qui valait tous les serments de la terre. Puis elle prit vaillamment la tête du grand et bel officier et l’embrassa.