Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - La Pêcheuse d’âmes, 1889.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
LA PÊCHEUSE D’AMES.

de pantoufles turques brodées d’or ! Combien était splendide dans son abondance superbe cette chevelure blonde, retenue et non serrée par un ruban rouge, et portant un camélia blanc au milieu de ses flots d’or.

Elle tendit la main à Zésim et le fit asseoir près de la cheminée. Cirilla allait et venait pour préparer le thé et laissait continuellement les deux jeunes gens seuls ensemble, sans avoir l’air d’y mettre aucune intention. Dragomira employait chacun de ces moments-là à envelopper Zésim de nouveaux lacs enchantés. Elle voyait l’effet qu’elle produisait sur lui et elle l’augmentait encore par ses paroles et ses regards. Elle voulait plaire, ravir, conquérir, et elle y réussissait complètement. C’était comme si elle avait été emportée avec Zésim vers l’Océan, sur une petite barque sans voile ni rame ; mais aucun des deux ne demandait où ils étaient entraînés.

On prit le thé ; on se raconta gaiement et sans y attacher, du reste, aucune importance, les nouvelles de la ville ; puis Cirilla sortit de la chambre.

La tête de Zésim était remplie des idées les plus contradictoires et son cœur était agité par les sentiments les plus étranges. Il se mit à marcher à grands pas dans la chambre. La pâleur et la rougeur se succédaient sur ses joues, que les émotions et les chagrins des dernières semaines avaient profondément creusées.

Enfin Dragomira se leva lentement. Elle vint se mettre devant lui, et, le regardant fixement de ses yeux bleus, lui posa ses mains sur les épaules.

« Pauvre ami ! » dit-elle doucement.

Il baissa la tête et garda le silence.

« Vous êtes malheureux, continua Dragomira, vous vous consumez dans le chagrin. Ah ! si je pouvais faire quelque chose pour adoucir votre peine !

— Vous pouvez tout faire, reprit-il les yeux toujours baissés, tout.

— Faut-il parler à Anitta ?

— Non, pour l’amour de Dieu ! non ! »

Il leva vers le froid et beau visage de la jeune fille ses yeux désespérés et humides de larmes.

« Que puis-je donc faire, alors ? »

Il baissa de nouveau la tête ; alors, Dragomira posa sa petite main sur son épaule et lui effleura le front de ses lèvres. Ce ne fut qu’un léger souffle qui alla d’elle à lui, mais il suffit