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XXIV

LA CONFESSION

Une puissance suprême a été accordée à la beauté ; captivé par elle, l’homme abandonne la terre.
SPENZER.

« Parle, qu’as-tu sur le cœur ? demanda le prêtre avec indulgence, en posant sa main sur la tête de Dragomira.

— Je suis une grande pécheresse.

— Peut-être te trompes-tu. Nous ne pouvons rien contre la volonté de Dieu. Qu’est-ce qui t’afflige ? Qu’est-ce qui te tourmente, jeune fille ? Dis-le.

— J’aime ! »

Cet aveu sortit comme un souffle des lèvres de Dragomira. La tête inclinée, les mains croisées sur la poitrine, elle était là, prosternée comme une criminelle qui attend sa condamnation à mort.

« Je le savais, répondit l’apôtre avec douceur, à un moment où tu ne t’en doutais pas toi-même.

— Ma faute est grande, murmura Dragomira ; j’en ai pleinement conscience ; juge-moi, châtie-moi ; je le mérite, et j’expierai mon péché de ma vie si tu l’ordonnes.

— Comment juger, quand il n’y a rien qui réclame le juge ? répondit l’apôtre. Comment punir, quand il n’y a pas de mauvaise action ? La volonté de Dieu arrive toujours et partout, et nous devons nous y soumettre. Il serait téméraire de vouloir pénétrer ses desseins. Tu n’as pas cherché cet amour comme une joie, un plaisir ; il est venu sur toi, malgré toi, comme une fatalité. Tu as lutté contre lui, et il te prépare maintenant de la douleur et de l’angoisse. Un pareil amour peut-il être