— Qui vous dit, interrompit Dragomira, que je ne le veux pas, moi aussi ? Chacun croit connaître la route du paradis ; quelle est la vraie ? Vous suivez la vôtre ; moi, la mienne ; et tous les deux nous espérons sincèrement arriver à la lumière éternelle. »
Le P. Glinski regarda Dragomira avec surprise.
« Vous voulez me barrer le passage, continua-t-elle, j’accepte le combat ; je ne crains rien en ce monde, car Dieu est avec moi. »
Le jésuite resta muet. Si jusqu’à présent il avait cru pénétrer Dragomira, pour le moment il se trouvait tout à coup en face d’une énigme. Il eut de la peine à dissimuler son trouble. Il respira quand Henryka Monkony entra et mit fin à l’entretien. Pendant qu’elle embrassait Dragomira avec tous les transports d’une tendresse exaltée, il se leva et prit son chapeau.
« Vous partez déjà ? dit Dragomira en souriant.
— Je pense que nous n’avons plus rien à nous dire, répondit Glinski en l’observant du coin de l’œil.
— Alors, c’est la guerre ?
— Comme vous voudrez. »
Le jésuite s’inclina en jetant un regard de compassion sur Henryka qui, un bras passé autour de Dragomira, restait tout étonnée.
« Que voulait-il donc ? demanda-t-elle, quand le jésuite fut parti.
— Il s’imagine que je veux enlever le comte à Anitta.
— Vous ? »
Henryka éclata de rire.
« Comme si vous pouviez empêcher que tous les hommes perdent la tête dès qu’ils s’approchent de vous ! Je crois sans peine que Soltyk brûle pour vous ; mais cela vous est parfaitement indifférent, n’est ce pas ?
— Bien sûr.
— Vous êtes née pour être aimée, continua Henryka, mais vous êtes bien au-dessus de toute faiblesse terrestre ; je le sens, et c’est justement ce qui m’entraîne vers vous avec une force surnaturelle. »
Dragomira s’était assise dans un fauteuil, près de la cheminée. Henryka se mit à genoux devant elle, et, levant ses yeux bleus enthousiastes, la regarda comme en extase.
« Oui, je vous adore comme un être supérieur, comme une sainte, continua-t-elle ; auprès de vous toutes les autres me pa-