Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/12

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
LA PANTOUFLE DE SAPHO

tête et ce léger mouvement n’échappait point à l’artiste. Quand, à l’issue de la représentation, elle montait dans le carrosse du Burgthéâtre, surnommé ironiquement le Chariot de Thespis parce qu’il résonnait avec un bruit de ferraille sur le pavé cahoteux de l’antique ville, le Polonais se trouvait à la porte de sortie, la dévorant de ses yeux ardents, bien qu’il ne pût apercevoir d’elle que le bout de son nez, tout le reste étant emmitouflé de fourrures et de voiles.

Un soir qu’elle venait de remplir un de ses meilleurs rôles, elle était assise et prête à fermer la portière, quand une superbe couronne de lauriers vint s’abattre à ses pieds.

Le Polonais la lui avait jetée et s’était aussitôt enfui.

Ce mystérieux et craintif hommage, en ce lieu solitaire et sous le couvert de la nuit, toucha le cœur sensible et poétique de la tragédienne plus que les ovations bruyantes et impétueuses à la lumière des lustres et dans la salle comble.

La Schrœder commença à s’intéresser au jeune homme et à se demander si elle pourrait l’aimer ?

Une autre fois, le dégel était survenu ; des cascades ruisselaient des gouttières et des torrents