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Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/124

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LA FEUILLE BLANCHE

au Théâtre Français, Mlle Gaussin règne seule et sans limites, et, ce qu’il y a de plus piquant, elle est à la fois artiste de génie et vertueuse.

La grande pendule de la cheminée, représentant un château dans le goût de Versailles, sonne dix heures et joue une sarabande. La petite Gaussin, après avoir compté les coups, appuie sa tête contre sa main et devient rêveuse. Ses lèvres s’entr’ouvrent, découvrant les plus merveilleuses quenottes.

— Jadis, pense-t-elle, il venait une heure plus tôt qu’il n’était convenu, et, volontiers, attendait que j’eusse terminé ma toilette. L’aiguille marchait. Bientôt, il n’y avait plus qu’une demi-heure, puis qu’un quart d’heure, enfin, à dix heures sonnant, il entrait et grondait si je n’étais pas prête… Maintenant, c’est lui qui est en retard. Ainsi va la vie. Avec le temps, l’homme le meilleur trouve la femme aimée ennuyeuse, voire même importune.

» Il est encore plein de bienveillance pour moi, mais je ne dois point le gêner. Saint-Renaud m’aime, il m’envoie les fleurs les plus rares ; mais, si je le soumettais sérieusement à une épreuve, la soutiendrait-il ? Qu’est-ce que des fleurs pour un fermier général, ce Crésus de l’impôt ? Si je lui