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LA FEUILLE BLANCHE

s’est évanoui, elle n’a plus qu’à songer à son avenir et peut, par bonheur, dicter ses conditions.

— Tu plaisantes, bégaya Saint-Renaud.

— Je ne plaisante point. Écoute-moi. Un mari amoureux m’a toujours paru un personnage fort ridicule. Maintenant que te voilà indifférent à mon égard, tu pourrais constituer un excellent époux.

— Comment cela ? s’exclama Saint-Renaud, terrifié.

— J’ai ta signature, poursuivit froidement la Gaussin, j’apposerai la mienne à côté et, par-dessus, un contrat de mariage.

— Tu serais capable ?…

— De devenir ta femme ? Pourquoi pas ? J’en ai assez du théâtre, de ses continuelles émotions et de cette situation brillante et honnie. Je veux devenir distinguée, sage, riche et considérée. Mme de Saint-Renaud, fermière générale des fermes de sa Majesté, cela ne sonne-t-il pas mieux que Mlle Gaussin, la comédienne ? Oh ! je présume que je jouerai ce rôle aussi bien que les précédents. On se sent vite à l’aise sur les coussins de brocart du carrosse de l’État et les fauteuils de velours d’une loge de premier rang. On joue de l’éventail, on coquette avec le roi…