Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
LA PANTOUFLE DE SAPHO

près d’elle. Aussi, personne ne la remarquait, pas même le sergent de ville qui faisait les cent pas non loin de là.

La pauvre vieille, plus morte que vive, ressemblait à une de ces statues de pierre que le pieux Moyen Age incrustait dans les murailles de ses églises en souvenir des défunts. Elle était tout aussi muette et privée de mouvement. Mais, quand les comédiens, après la répétition, sortirent par la petite porte du théâtre et se répandirent sur la place, une violente commotion fit tressaillir le corps de la pauvresse. Elle soupira et sa tremblante main, raidie par le froid, serra plus fort contre son visage ravagé par l’affliction, le fichu qui le couvrait.

Les acteurs se séparèrent au milieu de la place en échangeant d’aimables saluts, et Sophie Schrœder se dirigea seule vers l’endroit où tremblait la vieille. Elle traversait le marché pour se rendre au Graben et, l’esprit tout rempli de son rôle, allait passer, comme tout le monde, si un hasard ne l’eût arrachée à ses pensées et attiré son attention.

— Vous perdez quelque chose, lui dit une voix rauque qui semblait brisée et dont, cependant, le timbre lui parut familier.