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LA FONTAINE AUX LARMES

— Trop faible pour le travail des champs, dit-il enfin, et se retourne vers le Caucasien, qui paraît promettre davantage.

Un deuxième acquéreur se présente. Un Moursa, gentilhomme tartare, du haut de son ardent coursier, toise l’adolescent. Il n’est pas de beaucoup plus âgé que celui qu’il veut acheter. Son visage bien formé, à la petite moustache noire et au menton fraîchement rasé, porte l’empreinte du despotisme. Malheur à l’esclave qui tombera sous son fouet !

Le tartare porte un haut bonnet de velours noir orné de tresses d’argent et, par-dessus son justaucorps blanc ceint d’un précieux châle persan, un long caftan à doubles manches, en drap rouge bordé de chinchilla gris argent.

— Sais-tu manier les chevaux ? demande-t-il au jeune homme, et comme celui-ci acquiesce, il est tenté d’en faire l’acquisition. L’hébreu dit son prix, le Moursa profère un juron et fait semblant de s’en aller. Pendant que le marchand le rappelle, une femme se rendant à la prière, grande et forte, aux yeux brillants, s’approche de l’adolescent. Elle le contemple attentivement, puis, vivement, saisit le bras du marchand.