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LA FONTAINE AUX LARMES

— Que veux-tu de celui-ci ?

— M’honoreras-tu une fois, belle et sage Goian ? dit le juif en souriant.

— Ne me flatte point, réplique la tartare, tout enveloppée de son voile. Comment veux-tu savoir si je suis belle ou laide ? Quel homme, en dehors de mon époux qui est en paradis, a, dans Bakhtchissaraï vu mon visage ? Je ne te paierai point tes compliments.

— Tu voudrais ce jeune homme ? reprend l’hébreu. Très malin de la part d’une veuve, de prendre, au lieu d’un second mari, qui ne serait qu’un nouveau tyran, un esclave beau et bien fait qui lui obéit et la sert comme il lui plaît. Mais ceci, sage Goian, est de la fine marchandise, un chrétien de race, noble, beau, jeune et vigoureux comme une rose épanouie. Pourras-tu payer ce que j’en demande ?

La veuve en veine d’achat, rejette son voile d’un léger mouvement, laissant voir, au-dessus de ses bottines de cuir jaune, de larges pantalons blancs, une courte jupe rouge, la veste turque brodée de fleurs d’argent et le long caftan de soie bleue, bordé de martre d’un jaune d’or. Elle tire de sa ceinture une bourse de sequins d’or, qu’elle fait