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Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/155

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LA FONTAINE AUX LARMES

scintiller aux yeux du marchand. Mais voici un concurrent redoutable. Un homme grand et imposant, entièrement enveloppé d’une pelisse verte, comme s’il grelottait en dépit de l’été, s’approche et fait briller son affreux visage, noir sous le turban blanc, d’un sourire doublement sournois.

— Je regrette, belle veuve, dit-il d’un ton patelin, d’être obligé de vous priver de votre plaisir. Ce jeune chrétien est à moi, je l’achète pour le Khan.

— J’ai choisi la première, je ne le cède pas.

— Le prince a les premiers droits, intervient le juif, sage Goian, tu devrais le savoir. Cet esclave appartient au Soleil du Saraïs.

— Amène-le dans une heure, dit le nègre, je te remettrai l’argent.

La veuve, d’un mouvement brusque, ramène ses voiles, jette un regard indéfinissable sur le bel esclave et s’en va.

— Comme elle le regarde ! raille le noir acquéreur avec un rire sardonique. Le jeune homme peut vous remercier. Elle l’aurait tué d’amour.

Les assistants se mettent à rire, pendant que le captif fixe désespérément le sol, de son regard.