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LA FONTAINE AUX LARMES

bruissait un jet d’eau. Sur des coussins de soie rouge longeant les murailles, un groupe de jeunes femmes d’une incomparable beauté, riaient et se divertissaient comme des enfants. Toutes étaient de ces beautés géorgiennes, de taille moyenne, graciles et onduleuses, au nez finement arqué, aux lèvres rouges et aux yeux languissants. Une seule que ses compagnes appelaient Anaïd, semblait un démon de vivacité et de séduction. Au coin de sa bouche, se formait un pli despotique, ses yeux énigmatiques et sombres caressaient et menaçaient tout à la fois. Pendant que les autres brodaient ou enfilaient des perles, ou s’amusaient à faire glisser l’ambre de leurs bracelets en sirotant des sorbets, Anaïd, dans son caftan vert bordé d’hermine, jeté par-dessus de larges pantalons, et sa courte veste de soie rouge brodée d’or, se tenait droite devant son miroir, enlaçant des perles blanches dans ses cheveux noirs.

— Ce qu’elle se donne de peine pour plaire au maître, railla une jeune femme assise auprès d’elle, en faisant clapoter l’eau sous sa main.

— Inutile, Anaïd, fit une autre, qui restait tris-