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LA PANTOUFLE DE SAPHO

— Je ne veux pas que vous recommenciez, s’écria Sophie. C’est moi qui vais…

La tragédienne ouvrit sa bourse, mais l’intérieur de cette bourse offrait un spectacle bien triste ou bien risible, comme on voudra. La grande Sophie eut de la peine à rassembler vingt kreuzer, qu’elle glissa dans la main de la vieille tout en lui montrant sa bourse vide.

— Voyez, chère Muller, je ne possède rien moi-même. Il n’en va pas autrement avec nous autres comédiens, si quelques marchands ne me faisaient crédit, je serais souvent bien embarrassée pour m’habiller. Mais cette bagatelle ne vous tire pas d’affaire.

— Mais si, mais si, murmura la comédienne en serrant la main de sa camarade.

— Non, non, il vous faut beaucoup plus. Comment ferons-nous ?

Sophie se mit à réfléchir. Des badauds de tous rangs s’étaient rassemblés autour des deux femmes, car la curiosité des Viennois est notoire. Tout à coup, la Schrœder fendit le groupe. Une belle et heureuse inspiration venait d’illuminer sa physionomie d’habitude austère. Elle entra précipitamment dans une boutique de confiseur et