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LA FONTAINE AUX LARMES

Marie se leva avec la calme majesté du malheur et regarda, sans crainte, le Khan pâle comme un mort.

En un clin d’œil, les eunuques avaient terrassé l’esclave, et Kiamil, avec un ricanement bestial, se disposait à lui passer le mortel lacet autour du cou. Un signe du Khan l’arrêta.

— Misérable, dit-il en s’adressant au Polonais, ne sais-tu pas que quiconque voit le visage de la sultane, risque sa vie ? Regarde la princesse. L’excès de son indignation ne trouve point de mots pour te condamner.

Puis, se tournant vers Marie, il poursuivit :

— Abandonne-moi la sentence, ma souveraine, et sois assurée que tu seras satisfaite.

— Invente des supplices comme il n’en est point, lui cria le jeune homme avec l’exaltation d’un amour sincère, fais-moi déchirer et mourir au milieu des tortures, tu ne peux rien pour m’enlever un bonheur que tu ne connaîtras jamais et dont l’existence ne t’est révélée que par de douloureux pressentiments.

— Tu m’oses railler, moi, ton maître ? interrompit Kerim Gireïs, tandis que ses yeux s’enflammaient de colère, et il se mit à piétiner le