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Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/238

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LOUP ET LOUVE

À l’aube, au premier chant de l’alouette, il avait pris congé de la louve, enivré, en apparence, du bonheur de nommer sienne la plus belle des femmes. Et maintenant, il évitait de lui parler, voire même de la regarder, et recherchait ostensiblement une autre dame, sa meilleure amie !

Loba en fut d’abord surprise, puis indignée, son orgueil indompté se rebiffa sous l’affront. Les autres spectateurs avaient remarqué, comme elle, l’étrange conduite du troubadour, la louve se sentait observée par cent regards curieux, peut-être ironiques, et se trouva au plus haut point blessée, et provoquée de manière humiliante. Elle tremblait de rage, mais sut se contenir et cueillir des roses là où sa main eût préféré prendre un poignard et verser du sang.

Ce qui l’irritait le plus était de ne rien comprendre au changement de Raimond.

Peu d’heures auparavant, il était esclave à ses pieds ; il la dédaignait à présent, comme une servante. C’en était trop pour le sang bouillant de la louve. Brusquement, elle sortit de la ronde et, selon la mode du temps, se mit à cueillir des fleurs et à les tresser en couronne. Aussitôt, seigneurs et dames suivirent son exemple ; mais elle, plus