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Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/43

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LA PANTOUFLE DE SAPHO

pable d’occasionner des tourments que je ne pourrais apaiser, les augmenter, me paraîtrait indigne de moi. Je suis sincère, monsieur Wasilewski. Vous m’intéressez, mais je ne puis être à vous. C’est pourquoi, il faut nous séparer. Vous voulez être mon esclave ? Je suis fort capable de réduire un homme en esclavage, mais un homme que j’aimerais et que je pourrais rendre heureux.

— Vous avez raison, soupira Wasilewski après un long et douloureux silence. Je dois vous fuir. Je vous aime de toute la folle ardeur d’un cœur innocent, mais votre compassion me serait intolérable. Une femme cruelle peut seule renoncer à l’amour, et vous, vous êtes bonne. Je me ressaisirai, je ne vous verrai plus. Je retournerai dans ma patrie et tâcherai de vous oublier, mais — un sourire d’enfant éclaira sa tristesse — il faut que vous me donniez un talisman, divine Sapho, votre pantoufle.

— Et pourquoi justement ma pantoufle ?

— Il est d’usage, dans mon pays, lorsqu’on aime et qu’on veut offrir le suprême hommage à une femme, de lui dérober son soulier et d’y boire à sa santé, répondit le jeune homme avec un sérieux