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LA JUDITH DE BIALOPOL

sage portait le type fortement marqué de la race juive de Palestine, aux belles et nobles lignes exprimant un mélange sauvage d’intrépidité et de ruse avisée. Une fierté s’y mêlait, comme l’orgueil d’une race pure et privilégiée de Dieu, signe qui avait graduellement disparu à mesure qu’Israël s’était transformé, d’un peuple libre de pasteurs guerriers, en une nation de marchands. Abrahamek portait, sur le long talar de soie noire, — habit de prédilection de ses coreligionnaires riches — un large caftan de même étoffe, bordé de sombre et précieuse fourrure. Un béret de velours noir posé hardiment sur les petites boucles de sa chevelure, un long poignard turc était passé dans son écharpe rouge, et il s’occupait à charger deux grands pistolets à roues, pendant que ses gens, au nombre de quatorze, fondaient des balles et mettaient en état les énormes arquebuses dont on se servait à cette époque, ou, encore, aiguisaient sur une meule, les pointes des longues lances dont leur maître les avait armés.

Tout à coup, la porte s’ouvrit et une jeune femme, d’éblouissante beauté, pénétra brusquement dans la salle. Elle venait évidemment de se lever, car elle n’était vêtue que d’un peignoir et tenait à la main