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Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/58

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LA JUDITH DE BIALOPOL

une veilleuse. Sa taille élancée et fière, les formes de ses membres arrondis, le contour moelleux de ses traits l’eussent fait paraître semblable à la fiancée du cantique, la rose à peine épanouie de Saron, si son maintien énergique et dominateur et ses yeux étincelants ne lui eussent donné l’aspect d’une guerrière et d’un héros. Elle posa la lampe sur la table et, considérant d’un air contrarié les hommes occupés avec les armes, elle dit :

— Que signifie cela ? On m’envoie coucher quand le danger nous menace, que chacun s’apprête à risquer sa vie et à répandre son sang ? Je ne suis pas femme à demeurer cachée pendant que les hommes offrent leur poitrine aux armes ennemies. Je veux partager avec vous le combat et la victoire, ou la défaite et la mort

— Ma bien-aimée Judith, repartit le jeune négociant, ma femme, ma douce épouse, pour toi, je vais, tranquille, au-devant des flèches des Tartares, pourvu que je te sache en sécurité. Mais ma main faiblirait, mon cœur tremblerait comme un cœur de lâche, si tu te tenais à mes côtés dans le combat.

La juive secoua avec humeur les boucles noires de sa chevelure.