Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - La Pantoufle de Sapho et autres contes, 1907.djvu/59

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
LA JUDITH DE BIALOPOL

— Et quel sera mon sort, si vous êtes vaincu et si l’ennemi pénètre dans la ville ? Me faudra-t-il suivre en esclave un de ces impies et baiser ses lèvres altérées de sang ? Je veux vivre et mourir auprès de toi.

En vain, son mari tenta de la faire revenir sur sa décision. Judith s’empara des sacs remplis de poudre et de plomb, déclarant avec une obstination contre laquelle les prières et les raisons se trouvaient également impuissantes, qu’elle accompagnerait les hommes sur les remparts et chargerait leurs arquebuses. En un clin d’œil, elle changea son peignoir contre une jupe en damas de couleur richement brodée et une courte tunique d’étoffe persane bordée de peau de martre, et entrelaça ses tresses sombres de plusieurs rangs de perles. Ainsi, parée de son mieux, elle accompagna Abrahamek sur les remparts.

La nuit fut calme. L’ennemi ne tenta aucun assaut. Mais, à peine le soleil parut-il, sanglant, à travers les branches, couvertes de neige, des sapins, que les canons turcs se mirent à tonner.

Les assiégés répondirent loyalement. La canonnade dura plusieurs heures, sans résultat appréciable ni grandes pertes de part et d’autre.