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LA JUDITH DE BIALOPOL

— On m’a dit, reprit la juive, que ton âme est généreuse et agit noblement. Je suis venue te demander la grâce de ma ville et de mon peuple.

— À quel prix ?

— Je serai le prix, répondit la jeune femme.

— T’estimes-tu si haut ?

— On me dit belle, murmura Judith.

— Tu l’es, confirma le pacha.

— Une belle femme, n’est-elle pas un beau prix ?

— Tu oublies que tu es dans mon camp et, partant, en mon pouvoir.

— Si tu agis bassement, oui, interrompit la juive, et qu’y gagneras-tu ? une esclave de plus pour t’abhorrer et te maudire. Un homme tel que toi devrait être trop fier pour vouloir d’une femme autrement que par l’amour.

Le Turc considéra Judith avec étonnement.

— Tu es une femme rare, dit-il, aussi intelligente que belle. Et tu pourrais m’aimer ?

— Je ne sais pas. Essaye de me conquérir.

Le pacha éclata d’un rire court et méprisant.

— Il n’est pas dans nos habitudes d’implorer