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EAU DE JOUVENCE

La Comtesse caresse quelque projet abominable à son sujet. Je la connais.

Le hasard voulut qu’un instant après, les deux jeunes femmes, la vierge au charme innocent et la belle dominatrice, se trouvassent côte à côte. Emmerich put mesurer l’abîme qui les séparait. Giselle semblait un ange de lumière et la Comtesse, un démon séducteur. Toutes deux l’attiraient avec une puissance égale et il lui sembla qu’elles écartelaient son cœur. Il les aimait toutes deux, Giselle de toute la tendresse de son âme et la Comtesse, de toute la violence fiévreuse de ses sens.

Les deux images s’entremêlaient dans son sommeil et, au réveil, sa première pensée était pour Giselle, sa seconde, pour Elisabeth.

Les seigneurs du voisinage avaient quitté le château après la fête, et Emmerich et Koloman se retrouvèrent seuls au déjeuner, que leur hôtesse vint prendre avec eux. Elle semblait particulièrement de bonne humeur et engagea les gentilshommes à se préparer immédiatement pour la chasse, ce qu’ils firent. En pénétrant dans la cour du château, ils y trouvèrent une extraordinaire animation. Les chiens aboyaient, les chevaux piaffaient, et le fougueux destrier noir de la châ-