Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sens est la première condition, — et j’ajouterai qu’elle gagne par le contraste physique, — l’harmonie morale est également nécessaire au bonheur de deux époux. Enfin ce qu’il faut placer au-dessus de tout, c’est le travail en commun. Le mariage n’est-il pas la forme la plus ancienne, la plus pure et la plus sage de l’association humaine qu’il y ait eu et qu’il y aura jamais ? Le partage de la peine est un commandement de la nature. Ce n’est point à dire que chacun doive travailler de son côté, indépendamment, isolément ; non, ce qu’il faut, c’est que la femme nous soutienne, qu’elle s’intéresse à nos occupations, et qu’elle y prenne la part spéciale que la nature lui a réservée. Si l’homme est plus hardi dans la conception, la femme sera plus pratique et plus soigneuse dans l’exécution ; s’il fournit l’idée, le plan, la composition, elle se chargera du détail. Ce n’est que l’association dans le travail qui pourra conduire à l’égalité des droits dans le mariage, de même que dans l’état et la société. L’infériorité actuelle de la femme est le produit de l’éducation qu’elle reçoit ; élevez-la comme une créature libre ; laissez-la être de moitié dans la vie sérieuse, et elle saura être votre égale, votre camarade, votre associé. C’est un associé qu’il me faut, à moi, un associé qui soit chez lui à la grange et aux champs ; eh bien ! je prends une fille de paysans !

— Mais cette conformité des goûts et des jugements qui, selon toi, est la condition du bonheur conjugal ?

— Je ne choisis point Marcella uniquement parce