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Page:Sacher-Masoch - Le legs de Caïn, 1874.djvu/58

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Oui, je comprends ; mais, lorsqu’il nous arrive du monde, l’enfant peut crier : elle y va un instant, puis revient verser le thé, et elle rit, et elle cause, je vois même reparaître la kazabaïka verte fourrée de petit-gris ; que ne fait-on pas pour être agréable à ses hôtes ?

Il y avait longtemps que je n’étais pas retourné dans la montagne. Mon garde-forêt avait vu un ours, — pardon, j’allais encore vous raconter une histoire de chasse. Bien ! nous avions donc couru quelque danger, le garde et moi. Un paysan nous avait précédés ; je trouvai la maison en émoi. Ma femme se jette à mon cou ; elle m’apporte mon fils. Le sang me coule par la figure, l’enfant a peur. — Oh ! va-t’en ! me dit-elle. — Il haussa les épaules d’un air de mépris. — Ce n’était pas grand’chose sans doute, quelques gouttes de sang ; d’ailleurs le danger était passé. Bon ! je me lave le front ; le garde, un ancien militaire, me panse. Alors c’est le mouchoir blanc qui fait peur au petit ; on me chasse encore. — Enfin que vous dirai-je ? On se jette sur son lit, seul, toujours seul, comme autrefois ! Au diable le gage d’amour ! Que Dieu me pardonne le péché ! — Il se signa, cracha avec colère, et voulut continuer.

— Permettez, fis-je, vous n’avez donc pas dit à votre femme ?…

— Pardon, m’interrompit-il d’un ton presque violent ; ses narines frémissaient. — Je l’ai fait ; savez-vous ce qu’elle m’a répondu ? « Alors à quoi bon avoir des enfants ? » Elle aurait été capable de tout. On devient l’esclave d’une telle femme. On ne