par le moyen de l’amour, nous sommes les éternelles dupes de la nature ? En principe, l’homme et la femme sont créés pour être ennemis, — vous comprenez ce que je veux dire, — et la nature, elle, ne songe uniquement qu’à la propagation de l’espèce ; nous, dans notre vanité crédule, nous nous persuadons qu’elle a en vue notre bonheur, — bernique ! Dès que l’enfant est là, presque toujours il n’y a plus ni bonheur ni amour, et on se regarde comme deux marchands qui ont fait une mauvaise affaire ; tous les deux sont volés, et aucun n’a trompé l’autre. Et l’on s’obstine à croire qu’il s’agit d’être heureux, et on se fait des reproches, au lieu d’accuser la nature, qui, à côté de l’amour, sentiment passager, a placé un sentiment tenace, l’affection pour les enfants.
Nous ne nous quittâmes donc pas. Il ne vint plus à la maison ; mais ils continuèrent de se voir chez une amie : on trouve de ces bonnes âmes serviables. Moi, je me remis à tirer mes bécasses. Je commençai alors à envisager les femmes comme un gibier dont la chasse est à la fois plus difficile et plus productive. — Vous savez comment l’on tire la bécasse ? Non ? Eh bien ! il faut d’abord connaître son vol. Elle s’élève, fait trois crochets en zigzag comme un follet, puis file tout droit. C’est le bon moment : j’épaule, je vise, et j’ai ma bécasse. Ainsi les femmes ; si on se hâte trop, c’est fini ; mais une fois qu’on sait prendre son temps, on peut les avoir toutes.
À la maison, j’avais la paix. Les enfants marchaient déjà, et, croyez-vous ! maintenant je les aimais. Je les aimais parce que Nicolaïa les aimait.