Une fois, comme le colonel venait de recharger les pistolets, la baronne lui dit : « Si nous tirions maintenant sur des cartons.
— Avec plaisir, répondit-il, mais je prévois que vous allez me faire honte. Vous avez l’œil et la main beaucoup plus sûrs que moi et d’ailleurs vous tirez bien mieux.
Elle repartit : « Il est vrai que mes frères m’ont appris à tirer, étant toute jeune encore. »
Le colonel plaça les quatre as du jeu à l’endroit où était ordinairement fixée la petite cible et Amélie tira la première. Tout en fumant sa cigarette, elle abattit successivement trèfle, pique, carreau, cœur ; l’officier ravi lui cria : bravo !
— Savez-vous, reprit-elle, ce qui me plairait davantage — mais peut-être ne voudriez-vous pas vous y risquer ?
— Rien au monde, n’est au-dessus de mon courage, dit fièrement le Hongrois. De quoi s’agit-il donc ?
— Aurez-vous alors celui de me tenir la carte pendant que je vais tirer, demanda la belle Messaline, d’un ton railleur ?
— Sans même répondre, Étienne de K… prit le cinq de cœur, le soutint par le bord et recommanda à la baronne de tirer le cœur du milieu.
D’un geste négligent, Amélie alluma une cigarette, visa et tira.