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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

Tard dans la nuit, elle arriva à la ville qui était le terme de sa course. Elle descendit dans un petit hôtel fréquenté seulement par des voituriers, des bouchers, des merciers de la campagne, et s’endormit aussi tranquillement que si elle avait eu la conscience la plus pure.

Elle dormit longtemps, déjeuna avec beaucoup d’appétit et fit sa toilette avec toute l’habileté qu’elle savait y mettre. Vers dix heures, elle se présentait chez le directeur du théâtre, M. Crameaux.

Celui-ci, petit homme à figure intelligente, à cheveux noirs, courts, en l’air, fixa sur elle un regard exprimant à la fois l’habitude de calculer et une malicieuse tendance à l’humour.

— Vous venez me demander un engagement, n’est-ce pas ! dit-il d’un ton sec et désagréable.

— En effet, répondit Marie. À quoi le devinez-vous ?

— Je l’ai deviné rien qu’en vous voyant, comme je devine aussi que vous n’avez jamais mis les pieds sur les planches. Vous êtes de bonne famille, hein ? Prenez place.

Marie s’assit et attendit de nouvelles questions. Elle jugeait avantageux pour elle de ne pas répondre à la dernière. Un mystère concernant la personne, la naissance, peut servir au théâtre, et elle le savait.