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UN VÉRITABLE ALLEMAND NE PEUT, ETC.

vons pas couronné de roses les auteurs de Werther, de Faust et des Brigands ; mais enfin nous ne les avons pas excommuniés, déclarés bons pour l’enfer avec tant d’hypocrisie.

En France, en Italie, en Russie, le vice, l’égoïsme vulgaire s’étalent dans toute leur nudité, ce qui fait qu’on les connaît très-bien et qu’on peut les éviter, quand on veut. En Angleterre et en Allemagne, au contraire, le vice se couvre du masque de la crainte de Dieu, du masque des bonnes mœurs, et ressemble tellement à la vertu qu’on finit par ne plus distinguer l’un de l’autre.

Nos Messalines commettent l’adultère, se livrent à la débauche, les yeux tournés vers le ciel, et nous opprimons, nous pillons nos semblables avec le doux sourire, le front calme de l’honnêteté. Que, par hasard, un écrivain allemand ose nous montrer nos actions et notre situation, non pas voilées hypocritement d’un idéalisme funeste, mais hardiment, fidèlement, comme Gogol, Turgenieff, Pisemksi l’ont fait pour la Russie, Augier, Sardou, Balzac, Erckmann-Chatrian, Claude Tillier pour la France, Thackeray et Dickens pour l’Angleterre, et vous verrez quel tapage infernal, quels cris soulèveront la corruption et l’indécence de l’auteur.

Nous voulons être aveugles ; nous ne voulons pas de ces écrivains qui écartent de nos yeux le