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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

bandeau de l’erreur ; nous ne voulons pas savoir comment nous sommes ; nous aimons mieux paraître ce que nous ne sommes pas, que voir, reconnaître nos défauts et nous efforcer de les corriger.

Mais je pense que de tous les défauts qu’un peuple peut avoir, le plus dangereux pour lui, c’est d’être hypocrite envers les autres et de s’illusionner lui-même.

Depuis longtemps nous nous sommes débarrassés de l’idéal en toute chose ; nous feignons quand même de l’avoir conservé, de le porter haut. Mieux vaudrait avouer sincèrement qu’en politique, en art, en science, en amour, en tous les autres grands moteurs de la vie humaine, nous sommes des matérialistes, puisque, malgré notre hypocrisie d’idéalisme, nous le sommes effectivement.

Vous êtes stupéfaits, mes jeunes amis, et quand je serai parti, vous vous rirez de moi, vous hausserez les épaules, vous vous écrierez : Le vieux fou ! Je vous répondrai que, dans un pays où tout est mensonge, hypocrisie, la vérité ressemble à la folie.

Le comte se leva, fit un léger salut de la tête et sortit à pas lents.

Les trois jeunes gens se regardèrent. Enfin