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OÙ IL S’AGIT DE TROIS JEUNES FILLES MODÈLES

Il va sans dire qu’elles jouaient du piano, qu’elles chantaient d’une voix émue, avec un habile jeu de prunelles, qu’elles dansaient parfaitement, et que plus parfaitement encore elles patinaient, parlaient le français. Après tant de perfections, on peut même trouver étonnant qu’elles n’eussent pas besoin d’un épistolaire pour écrire leurs lettres, qu’elles ne fussent pas brouillées avec l’orthographe, que, dans leur géographie, Londres se dressât sur la Tamise, la Volga coulât ailleurs que dans les Alpes suisses, et que leur instruction allât même plus loin encore que tout ceci.

Notre époque aime l’art, soit qu’il crispe les nerfs comme la musique de Wagner, avec son chœur de furies où résonnent tous les instruments possibles et impossibles, soit qu’il fatigue les sens par l’excès de couleur et de lumière comme la peinture de Makart ; elle l’aime parce qu’il est pour elle un moyen de surexcitation. Ce quart de siècle matérialiste et nerveux ne peut voir dans l’art rien de plus que l’effet qu’il produit sur les nerfs. Et c’est pour cela que les jeunes filles qui veulent plaire, qui veulent faire des conquêtes, doivent considérer comme inestimable l’avantage d’être familières avec l’art.

Micheline jouait du piano avec une telle bravura, qu’on aurait dit que tous les ducats de son