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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

losophie des faits, qui n’est que de la barbarie. Le Goth ou le Vandale n’était pas un artiste par cela seul qu’il brisait une statue grecque ; vous n’êtes pas non plus des penseurs ou des philosophes parce que vous avez détruit l’édifice idéal élevé par des siècles. Qu’avez-vous créé ? Fais-moi connaître une pensée quelconque qui soit sortie de votre cerveau, une vérité, fût-elle insignifiante, que vous ayez formulée, et je consens à avoir tort. Mais non, vous n’avez rien créé, rien. Vous mettez des faits en avant ; c’est quelque chose certainement, c’est même beaucoup, et de ce que ces faits sont en désaccord avec les idées morales qui ont cours, vous chantez victoire comme si vous aviez découvert une sixième partie du monde.

Vos chants de triomphe me font à peu près le même effet que si des carriers ayant découvert une nouvelle carrière de marbre, s’écriaient aussitôt : Il faut briser, faire disparaître de la terre tout ce que vous avez construit et ciselé jusqu’ici ; nous avons découvert un marbre qui est bien meilleur que celui dans lequel on a taillé la Vénus de Milo, la Niobé et le groupe de Laocoon. Ces braves ouvriers auraient le petit tort d’oublier que, extraire le marbre de la carrière ou le sculpter, c’est bien différent, que, pour donner à ce marbre inerte une forme, une âme, il faut un artiste et son génie. Il