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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

ses mains froides, je frissonnai et que je pleurai amèrement quand on l’emporta.

Plus tard, je compris qu’elle était morte.

Je me souviens aussi d’un autre fait. Un soir, ma nourrice m’avait assise sur le sable chaud et s’était éloignée de moi. Un petit lézard, qui prenait le soleil dans mon voisinage, se rapprocha en courant et me regarda de ses yeux pleins de feu. Je me mis à pleurer. Tout à coup survint un étranger qui me prit sur son bras et me sourit comme le faisait ma nourrice, avec tant de bonté, d’amour, de compassion, que je cessai de pleurer et que, lorsqu’il me cueillit des fleurs rouges, bleues, jaunes, je lui en offris une : c’était une clochette bleue. Il la prit, baisa ma petite main et mit la clochette dans un livre.

Après bien, bien des années, il me montra la fleur qu’il avait soigneusement conservée. Je devins rouge de joie et j’étais sur le point de pleurer. Cela me faisait plaisir et peine à la fois, car cet homme fut ton père. Il était venu jadis chez nous, alors qu’il était un jeune et joyeux étudiant, pour voir notre « tour du ciel », comme disaient les gens.

Mon père s’occupait de tout ce qu’on peut imaginer. Il y avait en lui un besoin inquiet de tout sonder qui provenait peut-être de ce qu’il dépensait ses capacités et sa fortune sans jamais pro-