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Page:Sacher-Masoch - Les Prussiens d’aujourd’hui, 1877.djvu/51

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VENDEUR OU ACQUÉREUR

votre mère vous a confié à moi pour que je fasse votre éducation. Vous n’avez donc aucun droit de vous plaindre, si je vous élève à ma manière, c’est-à-dire si je me constitue votre guide dans la vie. À peine sorti de l’école, vous êtes entré en campagne, allé en guerre et vous en êtes revenu tout aussi enfant, rien qu’un peu plus sauvage. On vous a laissé grandir comme une fillette et les hommes qui grandissent ainsi deviennent mauvais, lorsque tout n’est pas rose pour eux dans la vie. Je n’ai que de bonnes intentions pour vous, c’est pourquoi…

— C’est pourquoi vous me torturez.

— Je ne vous torture pas ; je vous élève seulement.

— Oh ! vous m’avez rendu si heureux, s’écria le jeune hussard avec une exaltation fébrile ; mais maintenant, depuis un certain temps…

— Voulez-vous m’obéir, oui ou non, lieutenant ?

Le lieutenant ne répondit pas ; mais, en sentant le bras de la comtesse chercher à se dégager du sien, il se hâta de lui saisir la main et de déposer un baiser brûlant sur l’échappée de chair rose visible entre le gant et la manche du manteau de velours.

— Demain, tous vos ordres seront exécutés, murmura-t-il ensuite.